Le mal des transports et le décalage horaire, deux problèmes courants mais mal gérés
Plus d’un voyageur sur quatre souffre de mal des transports lors d’un trajet en voiture, en bateau ou en avion. Et si vous traversez cinq fuseaux horaires ou plus, il y a 94 % de chances que vous ressentiez le décalage horaire. Ces deux troubles ne sont pas juste inconfortables - ils peuvent rendre un voyage inoubliable… pour les mauvaises raisons. La bonne nouvelle ? Des médicaments existent. La mauvaise ? Beaucoup les prennent mal, avec des risques inutiles.
Prendre un comprimé au dernier moment, utiliser une patch de scopolamine sans lire les avertissements, ou croire que la mélatonine est un simple somnifère naturel : ces erreurs sont fréquentes. Et elles peuvent vous laisser groggy, désorienté, ou même en danger. Ce n’est pas une question de « ça va passer ». C’est une question de timing, de dosage, et de connaissances.
Les médicaments contre le mal des transports : ce qui fonctionne vraiment
Il existe quatre grandes familles de médicaments pour le mal des transports, mais toutes n’ont pas le même impact. Le plus connu, le diméhydrinate (Dramamine), agit en 30 à 60 minutes et dure 4 à 6 heures. Il est efficace chez 67 % des utilisateurs, mais il provoque une somnolence chez 35 % d’entre eux - ce qui peut être dangereux si vous devez conduire après votre trajet.
Le méclizine (Bonine) est une alternative plus douce. Il est pris une fois par jour, avec une efficacité de 60 %, et seulement 18 % des utilisateurs se sentent somnolents. C’est la meilleure option pour les voyages de courte à moyenne durée, surtout si vous avez besoin d’être alerte. Mais attention : il faut le prendre au moins une heure avant le départ. Prendre un comprimé en route, c’est trop tard.
La scopolamine, sous forme de patch (Transderm Scop), est la solution la plus puissante pour les longs trajets. Appliquée derrière l’oreille au moins quatre heures avant le départ, elle libère du médicament pendant 72 heures. Son efficacité est de 75 %, ce qui en fait le choix de référence pour les croisières ou les vols intercontinentaux. Mais elle a un prix : 22 % des utilisateurs ont la bouche sèche, 15 % voient flou, et 12 % des personnes âgées de plus de 65 ans ont rapporté une confusion sévère. Ce patch est interdit en cas de glaucome - un risque souvent ignoré.
Prométhazine (Phenergan) est très efficace, mais elle est aussi la plus dangereuse. Elle provoque une somnolence chez 40 % des utilisateurs et est formellement interdite chez les enfants de moins de deux ans à cause du risque d’arrêt respiratoire. En Europe, elle est désormais sur ordonnance uniquement. Ne la prenez pas sans consulter un médecin.
La mélatonine, pas un somnifère comme les autres
Beaucoup pensent que la mélatonine, c’est comme un somnifère naturel. Ce n’est pas vrai. C’est un signal hormonal. Son but n’est pas de vous endormir, mais de dire à votre cerveau : « C’est l’heure du sommeil ici. »
Pour le décalage horaire, la dose optimale est de 0,5 mg, pas 5 mg. Des études montrent que 0,5 mg est aussi efficace que 5 mg - et avec beaucoup moins d’effets secondaires. Prenez-la 30 minutes avant l’heure du coucher à votre destination. Pas avant. Pas après. À l’heure exacte.
Si vous voyagez vers l’est (ex : Paris → New York), exposez-vous à la lumière du matin et prenez la mélatonine le soir à votre arrivée. Si vous voyagez vers l’ouest (ex : New York → Paris), exposez-vous à la lumière du soir et prenez la mélatonine le matin à votre arrivée. Ce détail change tout.
Les somnifères comme le zolpidem (Ambien) peuvent aider à dormir plus vite, mais ils ont un taux de 1,8 % de somnambulisme et 0,9 % d’amnésie. Et ils ne doivent jamais être pris en vol : un voyageur sur 80 a eu besoin d’une intervention d’urgence après en avoir pris en avion. Leur demi-vie est trop longue : vous vous réveillez groggy, désorienté, incapable de vous concentrer. Pourquoi risquer ça quand la mélatonine est plus sûre ?
Les erreurs les plus courantes - et comment les éviter
Voici les erreurs que font 80 % des voyageurs :
- Prendre un médicament trop tard : Un comprimé de Dramamine pris 10 minutes avant le départ ne fait rien. Il faut 30 à 60 minutes pour agir. Le patch de scopolamine doit être posé 4 heures avant.
- Confondre mélatonine et somnifère : Prendre 5 mg de mélatonine à 10 heures du matin ne vous aidera pas. Cela peut vous rendre encore plus désorienté.
- Combiner avec de l’alcool : L’alcool amplifie la somnolence des antihistaminiques et augmente le risque de désorientation avec la mélatonine. Une bière en vol peut transformer un bon voyage en cauchemar.
- Ignorer les contre-indications : Si vous avez un glaucome, la scopolamine est interdite. Si vous avez des problèmes respiratoires, évitez la prométhazine. Si vous avez plus de 65 ans, la scopolamine peut causer de la confusion. Vérifiez toujours.
- Ne pas prévoir la suite : Un patch de scopolamine peut provoquer des symptômes de sevrage 24 heures après sa retrait. Ne vous attendez pas à être parfaitement normal le lendemain du voyage.
Non-médicamenteux : la première ligne de défense
Les experts du CDC et de l’Académie américaine de médecine du sommeil sont unanimes : les médicaments ne doivent être utilisés que si les méthodes naturelles échouent.
Pour le mal des transports :
- Regardez l’horizon. Ne lisez pas, ne regardez pas votre téléphone.
- Assis à l’avant d’une voiture, au-dessus des ailes d’un avion, ou au milieu d’un bateau : ces endroits bougent moins.
- Respirez lentement. Une respiration profonde et régulière réduit les signaux de stress qui aggraveront le mal des transports.
- Évitez les repas lourds avant le voyage. Un petit en-cas sec, comme des biscuits, est mieux.
Pour le décalage horaire :
- Adaptez votre horaire avant de partir : décalez votre coucher de 15 à 30 minutes par jour dans le sens du voyage.
- Exposition à la lumière naturelle : c’est le meilleur régulateur de votre horloge biologique. Sortez dès que vous arrivez, même si vous êtes épuisé.
- Évitez la caféine après 14 heures. Elle dure 5 heures dans votre corps. Un café à 16 heures peut vous empêcher de dormir à 22 heures.
- Ne forcez pas le sommeil. Si vous ne dormez pas, restez éveillé. Votre corps finira par s’ajuster.
Les nouveaux développements - et ce qui vient
En mai 2024, la FDA a approuvé un nouveau film buccal de scopolamine avec 30 % moins d’absorption systémique. Cela pourrait réduire les effets secondaires comme la bouche sèche et la vision floue. Ce n’est pas encore disponible partout, mais c’est un bon signe.
Les recherches sur les antagonistes du récepteur NK1 (une nouvelle classe de médicaments) montrent une efficacité de 78 % contre le mal des transports… sans somnolence. Les essais cliniques de phase III sont en cours. Dans cinq ans, il pourrait exister des options sans effet secondaire.
Le CDC a aussi mis à jour ses recommandations pour 2025 : l’heure exacte de prise de mélatonine doit maintenant être ajustée selon la « courbe de réponse de phase » - un concept plus précis que « prenez-la le soir ». Cela signifie que les recommandations générales ne suffisent plus. Il faut personnaliser.
Les chiffres qui changent tout
Voici ce que disent les données récentes :
- Le marché mondial des médicaments contre le décalage horaire a atteint 1,2 milliard de dollars en 2023 - 63 % viennent de la mélatonine.
- 42 % des voyageurs américains prennent des médicaments contre le mal des transports - Dramamine détient 42 % des ventes, Bonine 28 %.
- Les voyageurs d’affaires (47 %) et les passagers de croisière (38 %) sont les plus gros consommateurs de médicaments contre le mal des transports.
- 82 % des voyageurs internationaux long-courrier prennent un médicament pour le décalage horaire - la majorité utilise la mélatonine.
Le fait est : les gens prennent des médicaments. La question n’est pas de savoir si vous en prendrez, mais comment vous le ferez en toute sécurité.
Que faire avant votre prochain voyage ?
Voici un plan simple à suivre :
- Identifiez votre trajet : combien de fuseaux horaires ? Combien de temps en voiture, en bateau ou en avion ?
- Choisissez le médicament adapté : méclizine pour un trajet de 6 heures, scopolamine pour un voyage de plus de 24 heures, mélatonine pour le décalage horaire.
- Calculez le timing : patch 4 heures avant, comprimé 1 heure avant, mélatonine 30 minutes avant le coucher local.
- Vérifiez vos contre-indications : glaucome ? âge > 65 ? problèmes respiratoires ?
- Évitez l’alcool et la caféine après 14 heures.
- Testez le médicament avant le grand voyage : prenez-le chez vous pour voir comment vous réagissez.
Un voyage bien préparé, c’est un voyage sans médicaments inutiles. Mais quand ils sont nécessaires, ils doivent être utilisés comme des outils précis - pas comme des pilules magiques.
Puis-je prendre de la mélatonine et un somnifère en même temps pour le décalage horaire ?
Non. Combiner la mélatonine avec des somnifères comme le zolpidem augmente fortement le risque de somnambulisme, de confusion et de perte de mémoire. La mélatonine est conçue pour réajuster votre horloge biologique, pas pour vous endormir artificiellement. Si vous avez besoin d’un somnifère, utilisez-le seul, et seulement si les autres méthodes ont échoué.
Le patch de scopolamine est-il sûr pour les personnes âgées ?
Il peut être utilisé, mais avec prudence. Chez les personnes de plus de 65 ans, 12 % ont rapporté une confusion sévère après l’application du patch. La FDA exige désormais un avertissement en gras sur les emballages. Si vous ou un proche êtes âgé, discutez avec un médecin avant d’utiliser ce patch. Une dose plus faible ou une alternative comme le méclizine peut être plus sûre.
La mélatonine est-elle efficace pour les voyages vers l’ouest ?
Oui, mais la stratégie change. Pour les voyages vers l’ouest (ex : États-Unis → Europe), votre corps veut se coucher plus tard. Prenez la mélatonine le matin à votre arrivée (à l’heure locale) et exposez-vous à la lumière du soir. Cela aide votre cerveau à retarder son horloge. Prendre la mélatonine le soir comme pour un voyage vers l’est aggraverait le décalage.
Pourquoi les antihistaminiques comme Zyrtec ne fonctionnent-ils pas contre le mal des transports ?
Parce qu’ils ne ciblent pas les mêmes récepteurs. Les antihistaminiques efficaces contre le mal des transports (comme le diméhydrinate ou le méclizine) agissent sur les récepteurs H1 du système vestibulaire. Les antihistaminiques non-sédatives comme Zyrtec ou Claritin ciblent les récepteurs H1 dans les tissus inflammatoires - pas dans l’oreille interne. Ils soulagent les allergies, pas le mal des transports.
Quelle est la durée d’effet d’un patch de scopolamine après retrait ?
Même après avoir retiré le patch, le médicament continue d’être libéré lentement dans votre système pendant 24 à 48 heures. Les effets secondaires comme la vision floue, la somnolence ou la confusion peuvent persister. Il est recommandé d’éviter la conduite ou les activités à risque pendant au moins 24 heures après le retrait du patch.
Le décalage horaire peut-il être évité sans médicament ?
Oui, pour la plupart des voyageurs. L’exposition à la lumière naturelle, l’adaptation progressive de l’horaire de sommeil avant le départ, l’évitement de la caféine tardive et la gestion du stress sont souvent suffisants. Les médicaments ne sont nécessaires que pour les voyages très longs, les déplacements professionnels exigeants, ou les personnes particulièrement sensibles. La mélatonine reste la première option recommandée.
1 Commentaires
Rémy Raes
J'ai pris un patch de scopolamine pour une croisière et j'ai cru que j'étais en train de voir des fantômes... 12h après, j'arrive encore à pas bien tenir mon café. Faut vraiment le prendre à l'avance, sinon c'est le cauchemar.