Glomérulonéphrite : Une attaque immunitaire contre les filtres rénaux

Imaginez que vos reins, ces organes silencieux qui filtrent 180 litres de sang chaque jour, soient attaqués par votre propre système immunitaire. C’est exactement ce qui se passe dans la glomérulonéphrite. Ce n’est pas une infection, ni une blessure. C’est une erreur interne : votre corps envoie des soldats immunitaires pour détruire les filtres microscopiques de vos reins - les glomérules - et les détruit par erreur.

Comment les reins filtrent-ils vraiment ?

Chaque rein contient environ un million de glomérules. Ce sont des réseaux de capillaires entourés de cellules spécialisées appelées podocytes. Ensemble, ils forment une barrière ultra-fine : elle laisse passer l’eau et les déchets, mais retient les protéines et les globules rouges. Cette barrière a trois couches : les cellules endothéliales, la membrane basale glomérulaire, et les podocytes. Quand tout fonctionne bien, vous urinez sans sang ni protéines. Quand la glomérulonéphrite frappe, cette barrière devient poreuse comme du papier trempé.

Les premiers signes sont souvent discrets. Une urine mousseuse ? C’est du protéinurie - des protéines qui fuient. Des jambes enflées ? C’est l’œdème, causé par la perte d’albumine. Une tension artérielle qui monte ? C’est parce que vos reins ne régulent plus l’eau et le sel. Parfois, l’urine devient rose ou brune : c’est l’hématurie, des globules rouges dans l’urine. Ces signes ne sont pas rares, mais ils sont souvent ignorés - jusqu’à ce que la fonction rénale chute.

Les deux visages de la maladie : néphritique et néphrotique

La glomérulonéphrite ne se présente pas d’une seule manière. Elle a deux grands profils cliniques. Le premier, le syndrome néphritique, se manifeste par du sang dans l’urine, une hypertension, une baisse de la filtration rénale (créatinine élevée à 1,5-3,0 mg/dL) et une rétention d’eau. Le second, le syndrome néphrotique, est plus silencieux mais plus grave : plus de 3,5 grammes de protéines par jour dans l’urine, un taux d’albumine sous 3,0 g/dL, des taux de cholestérol dépassant 160 mg/dL, et des œdèmes massifs. Certains patients vivent des mois avec ces symptômes sans savoir pourquoi.

Les deux formes peuvent coexister. Mais ce qui les distingue vraiment, c’est la cause sous-jacente. Et là, c’est là que l’immunité entre en jeu.

Qui attaque les reins ? Les mécanismes immunitaires

La glomérulonéphrite est un groupe de maladies, pas une seule. Chacune a son propre scénario d’attaque. Le plus courant dans le monde est la néphropathie à IgA : des anticorps IgA s’accumulent dans les glomérules, provoquant une inflammation. En Asie de l’Est, elle touche 4 personnes pour 100 000 chaque année. Aux États-Unis, c’est 1,5 pour 100 000. Elle progresse lentement : 20 à 40 % des patients développent une insuffisance rénale terminale en 20 ans.

Une autre forme, la glomérulonéphrite à dépôts de C3 (C3G), est plus rare mais plus agressive. Ici, ce n’est pas un anticorps qui attaque. C’est le système du complément - une partie du système immunitaire qui doit détruire les bactéries - qui se dérègle. Il s’active tout seul, sans infection. Des protéines comme le C3 s’accumulent dans les glomérules à 3 à 5 fois la normale. Près de 70 % des cas sont liés à un anticorps aberrant appelé C3NeF, qui bloque la régulation naturelle du complément.

Et puis il y a la glomérulonéphrite membrano-proliférative à complexes immuns (IC-MPGN), où des complexes immuns (anticorps + antigènes) se logent dans les glomérules. Leur présence déclenche une inflammation chronique. Ces formes sont souvent liées à des maladies systémiques comme le lupus. Environ 50 à 60 % des patients atteints de lupus développent une néphropathie lupique - et c’est l’une des principales causes de glomérulonéphrite chez les adultes.

Deux reins côte à côte : sain avec des lignes nettes et malade avec des fissures et des couleurs chaotiques.

Le podocyte, la cible invisible

Les podocytes sont les véritables héros - et les victimes - de cette bataille. Ce sont des cellules à longues extensions qui entourent les capillaires glomérulaires. Elles ne se régénèrent presque pas. Une fois endommagées, elles ne reviennent pas. Et elles sont particulièrement vulnérables : elles expriment des récepteurs qui réagissent aux signaux inflammatoires. Quand les cytokines et les protéines du complément les attaquent, elles se rétractent, la barrière se fissure, et les protéines fuient.

Comme le dit le Dr Laura Barisoni, spécialiste en néphropathologie : « Les podocytes ne sont pas seulement des filtres. Ils sont des acteurs de l’inflammation. » C’est pourquoi les traitements traditionnels, comme les corticostéroïdes, échouent souvent : ils étouffent tout le système immunitaire, mais ne protègent pas les podocytes. Et ils causent des dommages collatéraux : prise de poids, ostéoporose, infections.

Diagnostic : la biopsie, une épreuve nécessaire

Pas de test sanguin ou d’imagerie ne peut confirmer le type exact de glomérulonéphrite. Seule la biopsie rénale le fait. Une aiguille est introduite dans le rein pour prélever un minuscule échantillon de tissu. C’est une procédure sûre, mais pas sans risque : 3 à 5 % des patients développent un saignement. Et même après, il faut un néphropathologiste expérimenté pour l’interpréter. Il faut 5 à 7 ans de formation pour apprendre à distinguer une C3G d’une IC-MPGN sous le microscope.

Les nouvelles techniques aident. Les analyses moléculaires peuvent maintenant détecter la présence de C3NeF, ou des signatures génétiques liées à des formes héréditaires. En 2023, les lignes directrices européennes ont intégré ces biomarqueurs à la classification. Résultat ? 85 % de précision pour prédire la réponse au traitement, contre seulement 65 % avec l’histologie seule.

Une cellule podocyte fragile renforcée par une pilule verte, tandis qu'une flèche anticorps se brise en arrière-plan.

Traitement : entre corticoïdes et thérapies ciblées

Le traitement standard reste les corticostéroïdes - prednisone, methylprednisolone. Ils réduisent l’inflammation. Mais 30 à 50 % des patients ne répondent pas. Et parmi ceux qui répondent, 60 à 80 % développent des effets secondaires graves dans la première année : gain de poids (72 %), infection (35 %), fractures par ostéoporose (28 %). Sur les forums de patients, c’est le même refrain : « J’ai perdu 20 kg en trois mois, puis j’ai eu deux vertèbres cassées. »

Les nouvelles options arrivent. Pour la C3G, le eculizumab bloque une protéine du complément. Il réduit la protéinurie de 40 à 50 % en 12 mois. Mais il coûte environ 500 000 $ par an. Une autre molécule, l’iptacopan, a reçu le statut de « thérapie révolutionnaire » de la FDA en février 2023. Dans les essais, elle a réduit la protéinurie de 52 % - sans immunosuppression massive. Elle est plus abordable, et prend une forme orale.

La recherche avance aussi vers des traitements qui réparent les podocytes. Des molécules expérimentales ciblent les voies de survie cellulaire. Elles ne suppriment pas l’immunité - elles la rééquilibrent. Le Dr Richard Lafayette de Stanford prédit : « Dans cinq ans, on choisira le traitement en fonction du profil génétique et protéomique du patient. »

Le coût humain : fatigue, anxiété, inégalités

Derrière les chiffres, il y a des vies. Une enquête de l’American Kidney Fund montre que 65 % des patients souffrent d’une fatigue extrême - la plus handicapante de leurs symptômes. Sur les forums, 78 % parlent de l’œdème, 63 % des effets des médicaments, 51 % de la peur de la dialyse. La moyenne du délai de diagnostic est de 4,2 mois. Un tiers voit trois médecins avant d’avoir une réponse.

Et les inégalités sont criantes. Dans les pays à revenu faible, 70 % moins de patients ont accès aux biopsies. 90 % moins ont accès aux traitements ciblés. La glomérulonéphrite n’est pas une maladie rare - elle touche 12,5 personnes pour 100 000 aux États-Unis chaque année. Elle cause 10 à 15 % des cas d’insuffisance rénale terminale. Pourtant, elle reste méconnue. Et les traitements les plus efficaces sont hors de portée pour la majorité.

Que faire si vous suspectez une glomérulonéphrite ?

Si vous avez de l’urine mousseuse, des jambes enflées, une tension élevée, ou du sang dans l’urine - et que ça dure plus de quelques jours - consultez un médecin. Faites un test d’urine. Vérifiez la créatinine et l’albuminurie. Si les résultats sont anormaux, demandez une référence à un néphrologue. Ne laissez pas passer les signes. Une prise en charge précoce peut éviter la dialyse. Un patient sur Reddit a écrit : « J’ai commencé le rituximab deux mois après le diagnostic. Je n’ai jamais eu besoin de dialyse. »

La glomérulonéphrite n’est plus une condamnation. Elle est devenue une maladie à gérer - avec précision, patience, et parfois, avec une nouvelle génération de traitements. Ce n’est pas encore parfait. Mais les filtres rénaux, autrefois attaqués sans pitié, commencent à être protégés - une cellule à la fois.

Qu’est-ce qui cause la glomérulonéphrite ?

La glomérulonéphrite est causée par une réaction immunitaire anormale où le système immunitaire attaque les glomérules, les filtres des reins. Cela peut se produire à cause de dépôts d’anticorps (comme dans la néphropathie à IgA), d’une activation incontrôlée du système du complément (comme dans la C3G), ou de complexes immuns liés à des maladies comme le lupus. Ce n’est pas une infection, mais une erreur de reconnaissance par le corps.

La glomérulonéphrite est-elle grave ?

Oui, elle peut être grave, surtout si elle n’est pas diagnostiquée tôt. Elle peut entraîner une perte progressive de la fonction rénale, une insuffisance rénale terminale, et nécessiter une dialyse ou une greffe. Cependant, certains types, comme la glomérulonéphrite post-streptococcique chez les enfants, guérissent spontanément dans 95 % des cas. La gravité dépend du type, de la vitesse de progression et de la réponse au traitement.

Peut-on guérir de la glomérulonéphrite ?

Certains types peuvent être guéris, surtout s’ils sont détectés tôt. La forme post-infectieuse chez les enfants a un excellent pronostic. Pour les formes chroniques comme la néphropathie à IgA ou la C3G, la guérison complète est rare, mais la maladie peut être stabilisée. L’objectif est de préserver la fonction rénale, de réduire la protéinurie, et d’éviter la dialyse. Les nouveaux traitements ciblés améliorent considérablement les chances de succès à long terme.

Quels sont les effets secondaires des traitements ?

Les corticostéroïdes, utilisés comme traitement de première ligne, causent souvent une prise de poids, une ostéoporose, une augmentation du risque d’infection, des troubles du sommeil et de l’humeur. Les traitements ciblés comme l’eculizumab ou l’iptacopan ont moins d’effets secondaires systémiques, mais peuvent augmenter le risque d’infections bactériennes (notamment méningocoques). Le suivi médical régulier est essentiel pour gérer ces risques.

Comment savoir si j’ai une glomérulonéphrite ?

Les signes à surveiller incluent : urine mousseuse (protéinurie), urine rose ou brune (hématurie), œdèmes aux chevilles ou au visage, hypertension, fatigue intense, et baisse de la diurèse. Un test d’urine révèle la présence de protéines ou de globules rouges. Une analyse de sang montre une élévation de la créatinine. Si ces signes sont présents, une biopsie rénale est souvent nécessaire pour confirmer le diagnostic et identifier le type exact.