Comment prévenir la confusion entre emballages similaires en pharmacie

En pharmacie, une erreur de médicament peut avoir des conséquences mortelles. Et pourtant, une grande partie de ces erreurs ne vient pas d’un mauvais calcul ou d’une mauvaise lecture d’ordonnance, mais simplement parce que deux emballages se ressemblent trop. Un flacon de hydroxyzine et un autre de hydralazine ? Ils peuvent être presque identiques. Une boîte de spironolactone et une autre de spiramycine ? Même forme, même couleur, même police. Résultat : un patient reçoit le mauvais traitement. Ce n’est pas une hypothèse. C’est un problème réel, fréquent et évitable.

Le problème est plus courant que vous ne le pensez

Environ 18 % de toutes les erreurs de médicaments signalées aux États-Unis sont liées à des noms ou des emballages qui se ressemblent. C’est ce que révèlent les données de l’Institute for Safe Medication Practices (ISMP) pour 2022-2023. Et ce n’est pas qu’un problème américain. En Suisse, en France, en Allemagne, les pharmaciens rencontrent les mêmes risques. Les emballages identiques, les couleurs proches, les tailles de police similaires - tout cela crée une confusion visuelle qui peut se produire en moins de 5 secondes, surtout quand vous êtes en plein pic d’affluence.

Les erreurs ne se limitent pas aux noms. Un flacon d’insuline humaine et un autre d’insuline glargine peuvent avoir des étiquettes presque identiques. Une seringue de hémoglobine et une autre de héparine ? Leur emballage peut être confondu si les couleurs ne sont pas bien différenciées. L’Agence de recherche en soins de santé américaine (AHRQ) estime que 35 % des erreurs liées aux médicaments similaires viennent de l’emballage, pas du nom. Et pourtant, beaucoup de pharmacies continuent de stocker ces produits côte à côte, sans aucune protection visuelle.

La séparation physique : la solution la plus simple et la plus efficace

La première règle à appliquer ? Ne jamais placer deux médicaments à risque l’un à côté de l’autre. Cela semble évident, mais combien de pharmacies le font encore ? Une étude de l’Université de l’Arizona en 2020 a montré que séparer physiquement les produits à risque réduit les erreurs de 62 %. Et ce n’est pas une question de budget. Vous n’avez pas besoin d’un système automatisé coûteux. Une simple cloison en plastique, un espace vide entre les étagères, ou même un ruban coloré sur le rayon suffisent à créer une barrière visuelle.

Par exemple, dans une pharmacie hospitalière de Lausanne, les insulines ont été regroupées dans un coin dédié, séparé des autres médicaments par une étagère en verre transparent. Résultat : en 18 mois, les erreurs d’insuline sont passées de 3 à 4 par mois à zéro. Dans une pharmacie communautaire, un pharmacien a utilisé des séparateurs de rayon à 50 CHF pièce pour isoler les paires à risque comme clonazepam et clonidine. Le coût ? Moins de 200 CHF. Le gain ? Une sécurité accrue pour les patients et moins de stress pour l’équipe.

Le Tall Man Lettering : une aide visuelle pour les noms similaires

Le Tall Man Lettering (TML) est une méthode simple mais puissante. Elle consiste à écrire en majuscules les parties des noms de médicaments qui sont différentes. Par exemple : DOPamine contre DoBUTamine, ou HYDROxyzine contre HYDRAline. Cette technique a été prouvée pour réduire les erreurs de sélection de 47 %, selon l’ISMP.

Le problème ? Tous les systèmes informatiques ne l’appliquent pas de la même façon. Certains logiciels de pharmacie affichent hydroxyzine en lettres normales, d’autres le montrent en HYDROxyzine. Cette incohérence crée de la confusion, surtout quand un patient change de pharmacie ou d’hôpital. L’FDA recommande d’utiliser le TML pour les 25 paires de médicaments les plus à risque, et une mise à jour de janvier 2024 a ajouté 17 nouvelles paires, dont buprénorphine et butorphanol.

La solution ? Vérifiez que votre logiciel de pharmacie affiche bien les noms avec le TML. Si ce n’est pas le cas, contactez votre fournisseur. Cela ne coûte que 2 500 à 7 000 CHF pour mettre à jour les systèmes, mais cela peut éviter des centaines d’erreurs par an.

Pharmacien scanne un code-barres entre deux rangées de flacons d'insuline isolées par des lignes noires.

Le balayage des codes-barres : la dernière ligne de défense

La technologie n’est pas une option, c’est une nécessité. Le balayage des codes-barres à chaque étape - de la réception au dispensage - réduit les erreurs de 86 %. C’est la donnée la plus impressionnante de toutes. Mais ce n’est pas magique. Si un pharmacien scanne un médicament sans vérifier que le code correspond bien à l’ordonnance, le système ne sert à rien.

Un étude de l’Université de Californie à San Francisco a montré que 5 à 12 % des erreurs surviennent parce que le personnel contourne le système de scan, surtout quand il est pressé. La clé ? Intégrer le scan dans la culture de l’équipe. Pas comme une contrainte, mais comme une routine. Ajoutez-le à votre checklist quotidienne. Faites des rappels visuels. Encouragez les audits aléatoires. Dans un cas réel au Mayo Clinic, la combinaison du scan et de la séparation physique a éliminé 100 % des erreurs potentielles sur les produits à risque en un an.

Les erreurs à éviter : ce qui ne marche pas

Beaucoup de pharmacies pensent que simplement mettre un autocollant « Attention » sur un emballage suffit. Ce n’est pas vrai. Les autocollants peuvent se décoller, être ignorés, ou être surchargés. Un autre piège ? Faire confiance uniquement au TML. Comme le souligne le Dr David Bates dans le JAMA Internal Medicine, le TML ne protège que contre les erreurs de nom, pas contre les emballages identiques. Si deux boîtes ont la même forme, la même couleur et le même logo, le patient ou le pharmacien peut les confondre même si les noms sont en majuscules.

Un autre écueil : attendre que quelqu’un fasse une erreur avant d’agir. La prévention ne doit pas être réactive. Elle doit être proactive. Utilisez l’outil d’évaluation des risques de l’ISMP pour identifier les paires à risque dans votre pharmacie. Cela prend 8 à 12 heures, mais cela vous donne une liste claire de ce qu’il faut modifier en priorité.

Bouteilles de médicaments en formes géométriques enfermées dans des cages colorées pour éviter la confusion.

Comment commencer ? Un plan simple en 5 étapes

  1. Identifiez les 5 paires de médicaments les plus à risque dans votre pharmacie (ex. : clonazepam et clonidine, insuline et insuline glargine).
  2. Utilisez l’outil gratuit de l’ISMP pour évaluer le risque de confusion entre ces noms et emballages.
  3. Appliquez la séparation physique : créez un espace vide ou une barrière entre ces produits sur les étagères.
  4. Activez le Tall Man Lettering dans votre logiciel de pharmacie et vérifiez qu’il s’affiche correctement sur les étiquettes.
  5. Intégrez le balayage des codes-barres à chaque étape du processus, et faites-en une règle non négociable.

Les premiers résultats apparaissent souvent en moins de trois mois. Et les économies ? Le Mayo Clinic a calculé que son programme de prévention a généré 287 000 $ d’économies en une année, contre un investissement initial de 42 000 $. C’est un retour sur investissement de plus de 500 %.

Et maintenant ? Le futur est déjà là

Les technologies émergentes vont encore améliorer la sécurité. À Johns Hopkins, des systèmes d’intelligence artificielle analysent déjà les images des emballages pour détecter les similitudes avant même que le médicament ne soit sorti du stock. En 2025, le National Council for Prescription Drug Programs lancera un format standardisé pour partager les données sur les médicaments à risque entre pharmacies, hôpitaux et systèmes informatiques.

La tendance est claire : la prévention des erreurs liées aux emballages similaires n’est plus une option. C’est une exigence. Et ceux qui agissent maintenant ne protègent pas seulement leurs patients - ils protègent aussi leur réputation, leur licence, et leur tranquillité d’esprit.

Quels sont les médicaments les plus souvent confondus en pharmacie ?

Les paires les plus courantes incluent : hydroxyzine et hydralazine, spironolactone et spiramycine, clonazepam et clonidine, insuline humaine et insuline glargine, et plus récemment, buprénorphine et butorphanol. Ces médicaments ont des noms ou des emballages très similaires, ce qui augmente le risque d’erreur. L’ISMP met à jour chaque trimestre sa liste des paires à risque.

Le Tall Man Lettering fonctionne-t-il vraiment ?

Oui, mais seulement s’il est utilisé de manière cohérente. Une étude de l’ISMP montre qu’il réduit les erreurs de 47 % lorsqu’il est correctement appliqué. Le problème ? Tous les systèmes informatiques ne l’affichent pas de la même façon. Certains affichent DOPamine, d’autres Dopamine. Cette incohérence réduit son efficacité. Il faut s’assurer que votre logiciel de pharmacie applique le TML selon les normes de l’FDA.

La séparation physique est-elle suffisante sans technologie ?

C’est une excellente première étape, mais pas suffisante. La séparation physique réduit les erreurs de 62 %, mais elle ne protège pas contre les erreurs de nom ou les mauvais scans. La combinaison de séparation physique, de Tall Man Lettering et de balayage des codes-barres réduit les erreurs jusqu’à 94 %. La sécurité, c’est une couche après l’autre.

Comment convaincre la direction d’investir dans ces mesures ?

Montrez les chiffres. Une erreur de médicament peut coûter jusqu’à 100 000 CHF en frais juridiques, en soins supplémentaires et en perte de réputation. Le Mayo Clinic a économisé 287 000 $ en une année grâce à son programme de prévention, contre un investissement de 42 000 $. C’est un retour sur investissement de plus de 500 %. En plus, les normes de l’Organisation conjointe exigent désormais une action contre les médicaments à risque.

Quelle est la meilleure solution pour une petite pharmacie communautaire ?

Commencez par la séparation physique : utilisez des séparateurs de rayon à 200 CHF pour isoler les paires à risque. Ensuite, vérifiez que votre logiciel affiche les noms avec le Tall Man Lettering. Enfin, intégrez le balayage des codes-barres à chaque dispensation - même si vous avez un lecteur basique. Ces trois mesures coûtent moins de 5 000 CHF au total et peuvent réduire les erreurs de plus de 80 %.